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À Leixlip, l'ancien cimetière caché de Confey

  • Photo du rédacteur: Chloé Lacoste
    Chloé Lacoste
  • 20 août 2020
  • 5 min de lecture

Confey, c'est le tout premier cimetière moderne que j'aie mentionné sur ce blog, début juillet. J'avais parlé des bancs présents dans de nombreux cimetières irlandais, et de la spécificité des tombes d'enfants et j'avais laissé entendre (avec une grande subtilité) que j'aurais l'occasion de reparler de Confey. J'ai du mal à croire qu'il se sera passé plus d'un mois et que j'aie eu tant d'autres choses à dire avant d'y revenir effectivement. Notre toute première visite à Confey date de début juin et nous avions cru alors qu'il s'agissait simplement d'un cimetière récent, sans aucune des caractéristiques typiquement irlandaises que sont la vieille église en ruine ou le lierre qui se faufile partout. C'est un mois plus tard que notre erreur fut corrigée grâce à Stephen Callaghan, un des innombrables membres du Twitter taphophile, un pan de la réalité que ce blog m'a permis de découvrir. Il se trouve que Stephen vit à Lucan, tout près de Celbridge, et que Leixlip est entre les deux. C'est donc là que nous nous sommes retrouvé.es pour une première visite guidée, et il nous a proposé de retourner à Confey.

Dans un premier temps, j'ai cru que nous allions revoir le cimetière moderne, et refaire cette visite en compagnie d'un Irlandais impliqué dans une association d'histoire locale serait forcément passionnant. Au final,c'est un lieu tout à fait autre que Stephen nous a fait découvrir. Les plus concentré.es se souviendront que j'avais partagé l'image de cette tombe qui me paraissait peu à sa place, dans un recoin du cimetière moderne, la végétation environnante si proche qu'elle pourrait l'engloutir. Si j'avais été un peu plus attentive lors de cette première visite, j'aurais remarqué que ladite végétation comptait surtout du lierre et des ifs, typiques des vieux cimetières d'Irlande. Ce manque d'attention devait m'offrir une belle surprise quelques semaines plus tard.




Le vieux cimetière qui se niche à l’arrière de Confey est si petit et confiné sous les arbres qu'il est difficile d'en prendre une photographie représentative. En entrant, on se retrouve immédiatement face à la vieille église, évidemment en ruine, mais avec une structure suffisamment bien conservée pour pouvoir y entrer. Autour de l'église, des stèles funéraires et autres pierres marquent les emplacements de tombes, le tout souvent à moitié caché sous le lierre et les hautes herbes. Les nombreux arbres assombrissent le lieu, mais procurent aussi une sensation de sérénité et de protection. Le plus simple est sans doute de partager cette courte video, avec en bonus le puissant souffle de l'incontournable vent irlandais:

La video se termine sur une image de la porte d'entrée de l'église. Il s'agit d'une voûte typiquement irlandaise, comme c'est aussi le cas à l'intérieur de la séparation entre la nef et le chœur (image de gauche). Je n'ai plus vraiment eu l'occasion de discuter d'architecture irlandaise (ou autre) depuis la fin de mes études en Histoire de l'Art, alors je suis un peu rouillée, mais j’espère ne pas faire trop d'erreurs dans ce qui suit. En gros, une voûte est composée de ce qu'on appelle des voussoirs (ou claveaux), des pierres en forme de coins qui ensemble permettent de former l'arc tout en supportant le poids du mur, le claveau central étant la clef de voûte. Ces claveaux sont très courants, et particulièrement visibles sur les portes et tympans de l'architecture romane. Mais dans l'Irlande médiévale, ils avaient des caractéristiques bien à eux, moins réguliers et plus fins que dans d'autres architectures, parfois presque plats, bien différents du claveau typique que vous trouverez dans votre moteur de recherche. On voit par exemple sur la photo ci-dessous prise à Bective Abbey dans le Comté de Meath, que même dans le cas d'un arc qui nous paraîtrait plus "habituel" à nous autres venu.es du Continent (quoique pas très régulier), on a tout de même au-dessus cette voûte à l'irlandaise, composée de claveaux presque plats. Au passage, Bective Abbey est un endroit absolument fascinant, où les modifications architecturales relèvent du cours d'histoire de l'architecture tellement elles sont visibles (y compris sur cette photo, la voûte a clairement été rétrécie). À visiter si l'occasion passe par là.

Mais revenons-en a la thématique principale : les tombes. La première chose qui saute aux yeux à Confey, c'est à quel point cette partie du cimetière semble laissée à l'abandon et commence à être grignotée par la végétation, y compris à l'intérieur de l'église (où est prise l'image la plus à droite des trois ci-dessous).

D'aucuns trouveraient cela bien triste et réclamerait une reprise en main immédiate, mais cet état feuillu et végétatif fait partie du charme et de la quiétude du lieu. On y trouve aussi beaucoup plus de fleurs que dans la plupart des cimetières, tondus bien trop souvent pour que la nature s'y déploie dans sa diversité. Après tout, s'il nous faut mourir et être mis.es en terre, autant que ces lieux contribuent à l'épanouissement de la vie sauvage.


Cette idée de la continuité de la vie humaine dans le monde naturel est d'ailleurs un thème récurrent dans l'art funéraire irlandais, et notamment sur deux tombes de Confey qui ont attiré mon attention. Toutes deux contiennent au centre le fréquent motif IHS contenu dans un soleil éclatant et encadré de motifs foliés (qui sur la première de ces pierres se terminent en spirales). Ce qui est moins habituel, c'est qu'une plante semble percer directement de l'intérieur du Sacré-Cœur représenté sous le IHS. C'est encore plus évident sur la deuxième pierre (ci-dessous) : le style en est différent et les motifs plus en relief, ce qui permet d'identifier sans le moindre doute cette plante émergeant du cœur. Quant aux fougères qui l'encadrent, elles m'ont ramenée quelques années en arrière au temps où j'écrivais un mémoire d'Histoire de L'Art sur la période médiévale irlandaise et les motifs "celtisants". Et là il me faut briser un mythe tenace: malgré la réputation mondiale de l'Irlande comme étant LE pays celtique par excellence, il est fort probable que les Celtes n'y aient jamais mis les pieds. Leur influence s'est toutefois nettement fait sentir, notamment dans les pratiques et motifs artistiques. La culture romaine a également influencé l'art irlandais, mais moins directement. Et surtout, il n'y eut jamais d'invasion romaine en Irlande, ce qui a permis à l'art "celtisant" de s'y maintenir bien plus longtemps qu'ailleurs en Europe. Je raconte tout cela car les petits cercles creusés dans le feuillage ci-dessous (à gauche) me rappellent les reliefs caractéristiques de l'orfèvrerie "celtisante" typiquement non-

figurative, des reliefs effectués en filigrane ou par l'ajout d'émaux.

J’écris tout cela sur la base de souvenirs vieillissants, mais si la question vous intéresse il y a tout plein de choses à voir ou à écouter. En français, les œuvres de Venceslas Kruta sur les Celtes font référence, et Françoise Henry a plus particulièrement étudié l'art irlandais (mais ça commence à se faire vieux). Moins académique, mais en anglais, un épisode de l'excellent Irish Passport Podcast est consacré aux Celtes.



Au milieu de toute cette verdoyance (réelle ou artistique), il y a une tombe qui semble davantage entretenue que les autres. Isolée de l'autre coté de l’église, c'est aussi la plus récente - celle du soldat Owen McAuley, du régiment des Royal Dublin Fusiliers, mort en 1915 à l'age de 19 ans. Les tombes de soldats de l'époque britannique sont toutes du même modèle, avec des ornements différents en fonction du régiment de rattachement. Cette tombe est la seule qui soit cachée derrière le rideau de verdure mais pas recouverte par le lierre, et sur laquelle la végétation a été déposée ou plantée intentionnellement. La date exacte du décès n'est pas indiquée, mais la couronne de fleurs était bien fraîche au moment de notre visite, ce qui laisse supposer qu'un anniversaire avait été commémoré au mois de juin.

 
 
 

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